Certains moments sont oubliés. D’autres nous marquent à vie, comme une empreinte indélébile.
Si l’on te le demandais, tu ne dirais pas que ton enfance avait été heureuse. Tu n’en parlerais même pas, tu préfèrerais ne jamais y penser. Pourtant tu étais avec un père, coréen, et une mère japonaise. Tu avais une belle maison, un chien fidèle… Tout pour être heureux. Mais les occasions de sourire dans ce lieu qu’était ta maison étaient rares et éphémères. Tout est éphémère dans ce monde.
Ton père, en façade semblait sobre. Pas un mot plus haut que l’autre, un visage jovial. Son poste de banquier en faisait un homme très apprécié également. Mais tous ses gens qu’il côtoyait au quotidien ne le réduisait qu’à ça.9 Personne ne voyait le monstre derrière. Il était tapi dans l’ombre sous le lit, tapi dans son regard faussement pétillant. Ce monstre, c’était celui que toi et ta mère côtoyait chaque jours. Votre seule compagnie, vous n’aviez pas le droit de sortir. Vous étiez ses objets, ses propriétés. Personne n’as le droit de poser son regard sur ce qui est à lui.
Encore aujourd'hui, tu te demandais souvent pourquoi ta mère était restée avec cet homme que tu haïssais. Tu avais bien compris que la première raison était toi, mais jamais qu’elles pouvaient être les autres. Tu n’envisageais pas que cette femme que tu admirais temps pouvait simplement aimer l’homme immonde qui était ton père. Ta mère était belle. C’était un joyau et même enfermée, elle rayonnait. Une peau laiteuse, une bouche en cœur, un nez gracieux, des yeux de biches, des cheveux noirs ébène… Elle était enchanteresse. Tu ne lui ressemblait pas assez à ton goût. Tu haïssait ton reflet, tellement semblable à ton paternel. Mais ta mère, celle qui t’avait donné la vie tu l’admirais.
Elle avait toujours tout donner pour toi. Elle t'aimait plus que tout. Ce n’était pas pour rien qu’à présent, tu avais choisis le nom Sato plutôt que Park et la nationalité japonaise plutôt que coréenne. C’était peut-être la seule personne que tu avais aimé dans ta vie et elle avait tant souffert à cause de toi. Elle ne voulait pas que ton père te touche. Trop jeune, trop fragile, trop innocent. Ses accès de colère, elle les subissait en silence, soumise. Elle obéissait aux moindres de ses ordres. Qu’il l’a frappe, qu’il l’a viole, qu’il la menace, elle obéissait pour toi, pour lui. Tu étais trop jeune à cette époque pour te rendre vraiment compte de l’enfer que vivait ta mère mais les souvenirs étaient gravés dans ta mémoire et tu avais compris en grandissant. Tu ne te souvenais que trop bien de ce que tu voyais.
Mais ta mère n’était pas que le souffre-douleur de ton père. Non c’était aussi une femme qui t’avait aimé, de façon discrète pour ne pas attirer la jalousie maladive de son père sur toi. Elle était là quand tu cauchemardais, passant d’une main douce sa main sur ta joue avant de replacer une mèche de cheveux derrière ton oreille. C’était toujours elle qui te serrais contre elle quand ton père te faisait peur au point que tu en trembles. Elle n’était que douceur, ton refuge, le seul amour qu’on ne t’ai jamais donné. Mais tout avait prit fin trop tôt. Tu n'étais pas prêt pour ça. Tu n’étais pas prêt à la voir disparaître. Tu étais trop fragile pour supporter la disparition de ses bras aimants qui te serrait dans le creux de son cou. Mais c’était arrivé.
Ce jour là, ton père était rentré ivre. Il avait trop bu avec les gens comme lui. À cette époque quand il disait tu pensais simplement à ces collègues banquiers, mais ce n’était pas la réalité. Ivre, fou de rage de ne pas voir ta mère l’attendre, il était entré pour la première fois dans ta petite chambre où ta mère te couchait. Il t’avait regarder avec des yeux noirs, qui te prédisait milles tortures, comme si tu étais le responsable de l’absence de ta mère. Tu n’avais pas compris quand il avait levé la main sur toi, te giflant brutalement. Tu te souviens de la chaleur sur ta joue, du sang qui coulait de ta lèvre inférieure qui avait éclatée sous le choc. Tu te souviens qu’il s’apprêtait à abaisser sa main à nouveau quand ta douce mère s’était interposée. Il n’avait pas aimé. Il ne supportait pas la désobéissance de ses objets.
Ses images, sa violence, sont restés gravé dans ta mémoire. Aujourd'hui, tu peux les revoir comme quand tu étais enfant. Tu peux revoir les coups qui pleuvaient sur ta mère alors qu’elle hurlait. Tu te souviens avec une netteté impressionnante des larmes qui maculaient ses joues, ses larmes qui faisaient échos aux tiennes qui dévalaient sur ton visage. La couleur rouge du sang qui coulait de certaines parties de son corps, elle est gravée en toi à jamais. Cette scène, du début à la fin, elle est dans ta mémoire, douloureuse te rappelant sans cesse ce que tu as perdue ce jour là. T’indiquant cruellement qu’à ce moment de ta vie, tu es descendu en enfer. Même si tu l’ignorais quand tu t’étais jeté sur le corps inerte de ta mère.
Ton père était parti de la pièce, crachant juste sur le cadavre de celle qui avait été son épouse. Il t’avait laissé seul dans la pièce face à elle, face à son visage détruit. Tu ne comprenais pas à cette époque. Tu t’étais réfugié contre sa poitrine toujours en pleurs. Tu avais serré de tes petites mains son corps qui refroidissait, lui demandant d’ouvrir les yeux. Tu étais resté avec elle jusqu’à ce que ton père vienne te récupérer. Tu t’étais accroché à son corps alors que ton géniteur cherchait à t’en arracher.
Il avait réussit ce jour là… Tu étais encore trop petit, trop faible.
Tu avais été forcé de prendre un aller simple pour l’enfer.
Souvent, l’homme confond ses sentiments. Haine, amour. Mélancolie, désespoir. Mais certains ne sont habités que par une émotion qui domine tout.
Sans comprendre ce qui t’arrivais ce jour là et vers quoi tu partais, tu avais fini par suivre docilement ton paternel. Réclamant ta mère de temps à autres pour aussitôt te faire menacer de ses yeux noirs. Ta mère venait de devenir un sujet tabou. Tu ne comprenais pas pourquoi elle n'était pas avec toi alors que pour la première fois, tu quittais ta maison. Ta main était emprisonnée, ecrasée par celle de ton géniteur. Il te trainait presque sur le sol, tes petites jambes peinaient à suivre son rythme. Il vous mit dans un avion, tu ne savais pas vers où à cette époque. Tu tremblais juste de peur, de toutes ses émotions qui se mélangeaient. Tu voulais ta mère. Tu ne voulais plus voir les yeux noirs qui te regardaient aussi méchamment.
Si on t'avais avertit de ce qui t'arriverais dès que tu aurais posé les pieds sur le sol coréen, tu aurais peut-être agi autrement dans cet avion. Tu aurais peut-être crié. Tu te serais peut-être enfuis. Mais tu ne savais pas, ignorant, idiot que tu étais. Tu étais resté sagement assis, sous son regard froid. Tu avais attendu te rappelant que ta mère te disait toujours d’obéir à ton père si elle n'était pas là. Quoiqu'il te demande. Elle n'était pas à vos côtés, elle était resté allongée dans votre maison, sur le sol de ta chambre. Elle n'ouvrait plus ses yeux. Tu obéirais donc.
Tu avais obéis. Tellement bien que quand tu étais petit tu étais certains de rendre fier ta main. Mais tu savais maintenant, tu savais qu'elle avait dut se retourner encore et encore de là où elle reposait. Lorsque vous étiez arrivés en Corée, ton père t'avait de nouveau enfermé dans une maison. Mais tu n'étais plus seul, il était toujours présent. Lui et ses amis, comme il aimait les appeller. Tu aurais du reconnaître la lueur malsaine qu'il y avait dans leurs yeux à tous, la même que celle qui luisait sans cesse dans les yeux de ton père, mais non. Tu avais été aveugle. Tu avais obéis.
Tu avais obéis quand il te disait de rester dans ta chambre sans bouger. Dans ces moments là, tu ne bougeais pas d'un centimètre, le souvenir de la gifle reçu et du corps de ta mère encore trop présent. Tu avais aussi obéis quand il te disait de le servir lui et ses invités. Tu te tenais sur le côté de leur table de jeu, silencieux, les boissons en équilibres dans tes mains, trop lourdes pour tes bras d'enfant de dix ans. Tu étais dans ce coin à tes huit ans quand vous étiez arrivés. À tes neufs ans quand ils commençaient à te regarder plus que nécessaire. À tes dix ans quand ils louchaient ouvertement sur tes fesses. À onze ans quand ils commençaient à laisser traîner leurs mains sur toi sans que ton père ne dise rien. Au contraire, il te menaçait de son regard. Peu importe que ses gestes te dégoutent. Peu importe que leurs regards t'empêchent de dormir toutes les nuit. Tu devais rester muet et docile.
Tu grandissais, tu comprenais que ce n'était pas normal. Mais tu ne pouvais rien faire contre. Comme tu ne pus rien faire quand ton père te laissa seul avec eux. Comme tu ne put qu'être victime de ces hommes et de leurs touchers dégoutants. À force d'être laissé entre leurs mains avisées, comme nommait cela ton père, tu appris à haïr toucher une peau humaine. Tu appris à vouloir éviter à tout prix n'importe quels contacts humain.
Plus que tout, tu appris aussi à haïr. Tout le temps passé en leur présence, tu apprenais, tu haïssais, tu souffrais. Tu apprenais et te souvenais de tout ce qu'ils pouvaient dire. Tu savais qu'un jour cela te servirais. Tu haïssais de n'être que quelqu'un de pathétique. Tu souffrais de ces contacts qu'on t'imposait. Mais tu savais que ce n'était pas le moment de faire éclater ta haine. Trop faible. Trop fragile. Ils étaient encore trop forts.
Alors tu continuas de souffrir, encore. Jusqu'à tes dix-sept ans, ton calvaire se répétaient presque sans changement. Tu peux toujours les voir aujourd'hui quand tu fermes tes yeux. Il est là, tapis sous tes paupières, ancré dans ta mémoire, indélébile.
Tout le monde le sait, la vengeance, c'est un plat qui se mange froid. Mais dans certains cas, il peut même se déguster glacé.Patiemment tu avais attendu ton heure. Tu préparais ton plan quand tu n'arrivais pas à fermer l’œil la nuit. Tu amassais ce qu'il te fallait quand ton père quittait la maison, t'y enfermant. Tu te faisais l'effet d'un comploteur, tu tremblais à l'idée d'être pris, mais tu agissais. Parce que tu savais que si tu en supportais plus, tu finirais comme ta mère. Étendu sur le sol, mort, sans personne autour de toi.
Tu avais détesté ça pour elle, tu ne le voulais pas pour toi. Tu voulais vivre. Tu voulais partir loin de cet endroit qui ne représentait que des horreurs pour toi, tu n'aspirais plus qu'à ça. Et un soir finalement, tu avais accomplis ce que tu souhaitais faire de puis si longtemps. Tu avais pris le dessus sur ton géniteur, retournant ses propres lois contre lui. Ce n'était plus lui le monstre, c'était toi.
Tu avais attendu dans l'ombre, assis sur les escaliers qui faisaient face à la porte principale de votre maison. Silencieux, ce qui ne changeait pas vraiment, tu étais une ombre. Quand ton père était rentré, tu t'étais levé, le bras gauche pointer dans sa direction. Tu te souviens que la lune éclairait le métal de l'arme que tu tendais vers lui. Sa propre arme qu'il avait laissé à la maison. Tu te rappelles de ses yeux apeurés quand il a vu l'arme. Ton cœur c'était serrée à cette vue. Son regard te rappelait celui de ta mère. Mais une chose était fondamentalement différente aujourd'hui : il n'avait pas peur pour toi comme ta mère mais simplement pour sa vie de gros porc.
Tu avais tiré sans l'ombre d'un état d'âme, le coup retentissant bruyamment dans le quartier calme. Tes mains gantés avaient lâchées l'arme, celle-ci tombant au sol dans un grand bruit. Tout te semblait bruyant. Ton souffle pourtant calme, les battements de ton cœur à peine plus élevé que d'habitude. Tu étais enfin libre, ton démon était mort. Tu n'aurais jamais plus à te faire toucher comme il te l'avait imposé. Tu n'aurais jamais plus à vivre sous ses ordres.
Ses dans cette optique que tu franchis la porte de cette maison qui fut la tienne. Ce jour-là, tu avais passé une frontière invisible. Tu prenais ta liberté, emmenait sous ton bras les preuves que ton père et ses associés qui t'avait torturés étaient membres d'un gang. Ta haine n'était pas apaisée. Elle brûlait toujours au fond de toi, à peine calmée. Il te fallait tous les détruire, comme il l'avait fait avec toi alors que tu n'étais qu'un enfant. Tu avais onze ans quand ils t'avaient prit pour leur jouet. Tu en avais dix-sept, tu n'était plus l'enfant perdu et faible qui avait perdu le seul amour de sa vie et tu n'avais plus rien d'innocent, ils avaient bien veillé à ça.
Ton plan fermement ancré dans ta mémoire, tu décidas après le meurtre de ton père de disparaître dans al nature. Tu serais le seul coupable sûrement, mais tu avais laissé assez de preuves à la police pour qu'ils comprennent ce que cet homme te faisait. Après tout, il ne méritait pas de vivre comme quelqu'un d'honnête. Il devait être trainé dans la boue, oublié, son cadavre se décomposant sur le parquet de sa baraque. Comme il l'avait fait avec ta mère. Tu le souhaitais ardemment et tu imaginais que c'était le cas, même si tu ne t'en assuras jamais.
Les rues devinrent ton foyer. Tu volais de quoi survivre, de l'argent. Tu dealais, découvrant au passage la drogue qui te permettait d'oublier quand les nuits se faisaient trop dures. Tu économisais pour partir là où tu le voulais depuis que tu pensais à t'enfuir de la maison paternelle. Tu voulais retourner au Japon. Tu voulais retrouver tes vraies racines. Ta mère, ta maman qui avait donné sa vie pour toi. Ta mère à qui tu n'avais toujours pas put dire au revoir. Ta mère dont tu avais prit le nom, balançant officiellement le nom Park à la poubelle. En retrouvant ta terre d'origine, tu pensais aussi à autres choses. Te venger. Tout le monde n'avait pas souffert encore.
Cela t'avais prit presque deux ans pour amasser assez d'argent pour partir vers Osaka. Ce n'était pas la ville où tu étais né, mais c'était seule que tu voulais rejoindre. Ta mère t'en parlais toujours quand tu étais petit, ses prunelles brillaient toujours plus à ce moment là. Elle te parlait de ses rues bondées que tu imaginais seulement, de ses parcs qu'elle appréciait, de sa maison d'enfance où se trouvait encore ses parents. Elle te parlait de tout ça et rêvait de t'y emmener. Elle n'avait pas put, alors tu y allais par toi-même.
Mais il y avait quelque chose en plus dans cette ville. Quelque chose qui t'étaient vital : les mafias. Tu savais déjà ce que tu cherchais, tu avais tes renseignements, glaner de ci et là en Corée, récoltés contre quelques grammes d'héroïne ou de cannabis. Tu fis rapidement savoir que tu souhaitais rencontrer quelqu'un travaillant chez les Yakuza. Tu n'étais pas discret, tu voulais qu'ils agissent vite. Tu voulais te venger et eux seuls pouvaient te le permettre. Même, eux-seuls pouvaient t'accueillir comme une famille chez eux, après tout, tu avais vu leur marque sur le poignet de ta mère.
La rencontre fut rapide. Tu demandas à entrer dans la mafia, te présentant comme dealer mais aussi comme le fils de ta mère. Tu ne savais pas si elle avait été connue dans la mafia, tu t'en fichais. Le plus important, fut que pendant cette rencontre, tu donnas tout ce que tu savais sur les hommes qui étaient venus dans la maison de ton géniteur. Tout ce que tu avais put enregistrer pendant qu'ils te détruisaient un peu plus, tu le redonna à cet homme. À la fin, tu précisas de quelle mafia il faisait partie, une mafia que tu savais concurrente à celle-là. Et tu repartis. Tu offrais tout ce que tu savais en gage de bonne foie, eux seuls pouvaient t'accepter et ils le firent.
Bizarrement, dans les mois qui suivirent, tes tortionnaires moururent, disparurent. Certaines fois on ne retrouvaient qu'un morceau d'eux, des fois rien. Mais toi tu savais et maintenant que tu savais que tu avais réussi à te venger, tu pouvais apprendre à vivre.
Réapprendre tout depuis zéro. Oublier pour vivre à nouveau. Sur le papier c'est simple. Dans la réalité, c'est un effort de tout instant. Un effort qui bouffe de l'intérieur.
Tu faisais maintenant parti des Yakuza depuis quelques temps, tu t'y étais fait ta petite place. Tu étais un dealeur doué, tu ne laissais pas de traces. Tu étais discret. Tous ses cadeaux qui te permettaient de venir qui venaient de ton père et ses persécutions. Tu t'étais vengé mais au fond de toi, tu souffrais toujours, tu étais encore son jouet.
Tu souhaitais oublié, tu n'y arrivais pas. La nuit, tout te revenait, d'une netteté affolante. Parfois le meurtre de ta mère, d'autres leurs jeux avec toi. Tu ne dormais qu'à peine, mais tu t'y faisais. Mais tu n'acceptais pas ton reflet, ton physique qui te rappelais ton géniteur, qui te faisait ressembler à ce monstre. Tu n'acceptais pas non plus ce qu'il avait fait de toi. Le gamin pathétique que tu avais été à sept ans, à onze ans, à seize ans, il étais encore trop présent. Trop discret, trop docile quand on te donnait des ordres, trop hanté par ce qu'il t'avait fait.
Certaines choses avaient changées, d'autres semblaient trop ancrées en toi pour ne penser qu'à disparaître. Tu te haïssais d'être faible. Tu devais changer. Il fallait juste que tu trouves le courage. Mais qui c'est quand il se décideras à arriver ?
En attendant, tu vis avec, attendant de te sauver ou que l'on te sauves.