Saburo Yukio • Liar

Yukio est né le premier jour du premier mois de l'été. Autant dire qu'il ramenait le soleil dans la petite famille qui s'agrandissait. Autant dire aussi qu'il était très attendu puisqu'il s'agissait du premier enfant des Saburo. Et c'est un enfant qui s'est fait franchement désiré également, toutes les méthodes ont été essayé pour que la mère de Yukio tombe enceinte,problème de fertilité oblige, et cela ne fut pas mince affaire. Enfin bref, Yukio était né et c'est tout ce qui comptait désormais.

L'enfance de Yukio se passait sans trop de soucis. Sa mère lui donnait tout l'amour et toute l'éducation dont il avait besoin pour devenir un adulte équilibré plus tard. Souvent, elle le prenait sur ses genoux pendant qu'elle écrivait les pages de son prochain roman et lui racontait la trame du livre, avec un vocabulaire adapté à son âge au fur et à mesure qu'il grandissait. Yukio adorait ce temps passé avec sa mère. Quant à son père, il n'était pas souvent à la maison puisque très occupé par son travail, enfin c'est ce que sa mère et le petit garçon croyait encore à l'époque, mais quand il rentrait, c'était souvent avec une énorme peluche ou un nouveau jouet pour son fils adoré. Un câlin pour Yukio, quelques paroles et un baiser tendre pour sa femme, et le géniteur pouvait disparaître pour quelques semaines. En bref, Yukio aura surtout vécu avec sa mère.

Yukio grandissait plutôt bien, dans tous les sens du terme. Voire peut-être trop bien. Vers l'âge de 10-11 ans, il faisait déjà le double de la taille de ses petits camarades. Ce qui lui valait un bon nombre de moqueries, les enfants sont cruels parfois. Alors le caractère du jeune garçon changea peu à peu et c'est donc à cet âge-là qu'il commençait à rentrer à la maison avec le lot de bleus et de vêtements déchirés. Yukio se bagarrait de plus en plus, tout ça pour tenter de faire taire les moqueries et surtout le manque du paternel hurlant dans son coeur. Ce même paternel qui avait décidé de ne rentrer qu'une fois par mois car il y avait trop de travail à la boîte. Mensonge qu'on croyait à moitié pour se rassurer. Mensonge qu'on aurait dû jamais croire.

Bref, la situation avait largement dégénéré au fil du temps et Yukio avait fini par se faire renvoyer d'une de ses écoles...parce qu'il se battait beaucoup trop et qu'une des familles des victimes s'était plainte à la directrice. A 15 ans, Yukio se retrouvait complètement déscolarisé et avec un trop plein d'énergie et de  rage dans les veines. Comme s'il sentait que quelque chose clochait depuis le début. On décida donc de l'inscrire à des cours par correspondance mais il ne faisait pas plus d'effort. Comme si les cours ne l'intéressait pas. En fait, c'était surtout son trop plein d'énergie qui lui faisait défaut. A l'époque, il n'arrivait  pas à se concentrer plus de cinq minutes, impossible donc pour lui de suivre un cours.

On chercha alors une alternative pour calmer son hyperactivité. Yukio testa plusieurs activités qui étaient censées le calmer. Mais rien ne fonctionnait. Rien... jusqu'à ce que sa mère décida de l'inscrire à un cours de dessin. Comme si sa génitrice avait bien senti la fibre artistique qui dormait dans son cher fils... Et elle ne s'y était pas trompé. Ce fut la révélation pour Yukio qui se passionna rapidement pour le dessin et surtout la peinture.

Lui qui n'avait jamais pensé une seule fois à ce qu'il voulait faire plus tard, le voilà maintenant en train de rêver à devenir un grand artiste avec sa propre galerie. Oui mais voilà, même le métier d'artiste nécessitait d'avoir passé un peu de temps à l'école. Son professeur de dessin voyait bien qu'il progressait dans son art. Et comme ses problèmes d'hyperactivité avaient presque complètement disparus, les cours par correspondance passaient plus facilement. Tellement plus facilement qu'il aurait pu retourner dans une école, mais pour une raison mystérieuse, Yukio préféra continuer les cours par correspondance. Et puis, c'était plus facile de poursuivre sa passion ainsi.

C'est précisément au moment de ses 18 ans que la vie de Yukio basculait. Les mensonges s'étaient entassés mais la montagne avait fini par s'écrouler. A commencer par la mort de sa mère qui était plus qu'inattendue pour le jeune garçon. Le seul pilier de sa vie s'était effondré de lui-même. Les révélations derrière sa mort ne se faisait pas attendre : Un cancer du sein qui avait fini par se généraliser. Premier mensonge. Comment avait-il fait pour passer à côté de ça ? Pourquoi ne lui avait-on rien dit ? Est-ce qu'elle avait essayé de se soigner au moins ? Et père dans tout ça ?

Son père aussi était bizarre. D'abord il ne s'était pas pointé à l'enterrement de sa mère et même, cela faisait plus d'un mois qu'il n'avait pas donné signe de vie. C'en était trop pour Yukio qui décida d'en avoir le coeur net par ses propres moyens. Il se rendit donc à la boîte où était censé travailler son père et découvrit bien vite... Qu'il avait tout simplement été licencié depuis quelques années. Deuxième mensonge. Yukio sentait que son monde s'écroulait petit à petit. Même s'il n'avait jamais vraiment eu une relation très forte avec son géniteur, il lui portait malgré tout une certaine estime, et cela lui faisait peur pour la suite.

Il avait bien raison d'avoir peur. Après moultes recherches, ce qu'il découvrait était à des années lumières de ce qu'il pouvait penser : Son père s'était mis à la botte des yakuzas qui, en échange de quelques "services" (Yukio saura plus tard qu'il s'agissait de trafic d'armes) le payaient plutôt très correctement. Troisième mensonge. C'était ainsi que son père bâtissait sa fortune et se faisait une certaine réputation auprès des yakuzas.

Yukio ne voulait pas y croire mais il fallait l'admettre , l'image de la famille parfaite était partie en fumée. Plus encore quand il découvrait, après avoir longtemps gardé son père en filature, que celui-ci entretenait une relation avec une femme plus jeune que lui. Quatrième mensonge. Yukio ne savait pas depuis quand les deux personnes se connaissaient, mais au vu de ce qu'il voyait, et  en reconstituant tous les moments d'absence de son géniteur, il était certain que cette ordure avait trompé sa mère.

Gros bordel dans la tête de l'adolescent. Et gros pétage de plomb en conséquence. Yukio perdait pied et s'était mis à accuser intérieurement cette jeune femme de tous les malheurs qui lui tombait dessus. La rage qu'il avait réussi à faire taire  depuis des années resurgissait tout d'un coup. Et elle lui fit commettre l'irréparable.

Yukio ne pensait pas en arriver là un jour. Trop de mensonges. Ce fut son premier et son dernier crime. Oui vous avez bien entendu, il a tué la jeune femme. Cela s'était fait d'une manière très rapide : Il lui avait suffit de l'immobiliser et de lui trancher la carotide, elle mourrait instantanément. Quelle ironie de mourir des mains du fils de l'homme qu'elle aimait.

On pouvait penser qu'après ça, Yukio se sentirait soulagé. Mais c'est la panique qui s'installait à l'intérieur du jeune homme. Qu'allait-il faire maintenant ? Partir en cavale en laissant le corps ici ? Peut-être qu'il ne sera jamais retrouvé et l'affaire sera classée sans suite. Et si quelqu'un l'avait vu faire...

"Je sais ce que tu penses maintenant." Yukio se retourna brusquement pour dévisager la voix qui s'adressait à lui. Une allure étrangement masculine tout en étant conjugué au féminin. Sa première rencontre avec Aoi, le patron du Body Scandals. Quelqu'un l'avait donc vu tuer cette pauvre femme. "Je ne sais pas pourquoi tu as tué cette femme. Je t'observe juste depuis quelques jours et je te trouve très séduisant. Ce minois d'ange ravirait mes clients et clientes au plus haut point." Yukio ne voyait pas où cette étrange personne à l'aura étonnamment   charismatique voulait en venir. "écoute bonhomme je te propose quelque chose : Je vais faire comme si je n'avais jamais vu ton crime. Tu me laisses m'occuper de tout ça ce qui va t'éviter bien des problèmes d'accord ? En échange, je te veux dans mon équipe. Travaille pour moi et j'améliorerais ta vie."

En acceptant ce deal, Yukio ne pensait pas du tout à ce genre de travail. Et au départ c'était un peu difficile de "vendre son corps". Mais Aoi l'aida à se sentir mieux et à l'aise avec tout ça. Surtout en lui évitant d'avoir affaire avec des clients seulement tournés vers le sexe au début. Petit à petit, Yukio se faisait à sa situation. Et puis Aoi ne lui avait pas menti, sa vie s'était améliorée.

En deux ans, il s'était crée le personnage de Lysandre, l'host masqué du Body Scandals. Interdiction formelle de voir son visage pour les clients. Cela ajoutait une pointe de mystère et d'excitation à tous les clients qui passaient au club et c'est ainsi qu'il devenait l'un des host masculins les plus demandés. En deux ans également, Aoi avait réussi à le faire entrer dans une grande université d'art. Car Yukio ne lui avait pas caché sa grande passion pour la peinture. Mais l'étudiant ne voulait pas se faire entretenir davantage. Déjà qu'il était logé et nourri, il ne voulait pas mettre là-dedans le coût de ses études. C'était donc avec ce qu'il gagnait au Body Scandals qu'il payait son école.

Bien sûr, Yukio comptait bien ne pas rester host toute sa vie...mais pour l'instant, il ne se voyait pas ailleurs et appréciait plutôt son train de vie.