18 Février 1999, 17h00 à Osaka.
Je ne veux pas. Je ne veux pas rentrer à la maison. Là-bas c'est l'enfer. Mais l'école est finie et je n'ai nulle part où allé à part chez moi. Alors que dans mon ventre s'installe l'habituel boule pesante, me rongeant jusqu'à l'os, je regarde ce soir encore, mes camarades sautaient dans les bras de leurs parents, des enfants qui font résonner leurs rires encore après l'ultime sonnerie annonçant la fin de la journée. Alors qu'eux n'attendent que ça, moi c'est ma hantise, à l'école je suis en sécurité. Pourquoi je n'ai pas le droit d'être comme eux, moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une famille comme la mienne ? Soupirant, je prends la route vers le bout de la rue de mes petites jambes de maternelle. J'y retrouve ma maman, caché dans la voiture comme à son habitude. Je monte alors, sans aide, à l'arrière de la voiture, comme chaque soir, parce qu'elle n'ose pas sortir de l'habitacle. Posant mon sac sur le siège à côté, je m'attache rapidement, sachant qu'il ne fallait pas traîner. Elle démarre aussitôt, le sachant aussi. Je ne dis rien, mais à travers le rétroviseur j'observe son visage. Encore une nouvelle marque, maladroitement caché sous trop de maquillage inutile, son œil au bord noir est toujours visible. Aujourd'hui, ça recommence encore. Et mon ventre n'en est que plus noué, mais je ne le montre pas, pour ne pas mettre plus de poids sur les frêles épaules, de cette femme qui m'a donnée la vie, qui vit avec moi le même enfer.
La route se passe rapidement et je ne peux dire si j'en suis soulagé ou non. Ma mère regarde sa vieille montre avant de s'activer comme s'il y avait le feu au poudre. Je sais. Je sais alors, qu'on est en retard. Que ça ne va certainement pas plaire. Que ça va continuer encore. Que ça va faire mal. Retenant les quelques larmes d'appréhension, je récupère mon cartable avant de suivre ma maman. Je lui prends la main et reste prêt d'elle. C'est sûrement parce que j'ai trop flâné, qu'on est en retard. C'est ma faute s'il va être fâché. C'est ma faute si le joli visage de ma maman va encore être défiguré. Dans un murmure qu'elle n'entend sûrement pas, je lâche un
« pardon. ».
J'avale une dernière fois ma salive, avant de suivre ma mère à l'intérieur où il crie déjà, à peine après avoir entendu la porte s'ouvrir. Ma main se crispe sur celle de ma mère qui me regarde d'un air désolé, ce genre de regard que je n'aime pas. Mon père entre alors dans la pièce en trombe criant sur ma mère. Rappelant qu'elle doit être à l'heure pour préparer la maison pour la soirée de ce soir qu'il a prévu avec des collègues de travail. Aujourd'hui, c'est son excuse, demain ce sera une autre. Ma mère, à son habitude s'excuse, craintive, promettant que ça n'arrivera plus. Me lâchant la main, elle part en cuisine, sans éviter une énième bousculade de l'homme qui est mon géniteur. Source de mon plus grand malheur. Et je me fais tout petit quand il se tourne vers moi, mais je peux qu'encaisser ses sautes d'humeurs, me retrouvant bien vite contre le mur.
« - Ne t'ai-je pas déjà dit de te dépêcher à la fin de l'école ?
- Si papa…
- On est déjà bien sympa de te payer des cours ta mère et moi, alors arrête de traîner à la fin de la journée salle mioche !
- Oui papa... »Recroquevillé par terre, à subir les coups de l'adulte trop violent, les joues dévastées par les larmes, j'attendais la fin de l'assaut en criant. En vain, personne ne viendrait m'aider, malheureusement pour moi. Quand il finit de se défouler, il disparaît dans la pièce qu'avait rejointe ma mère, il y a déjà un bon quart d'heure. Je renifle et me relève cinq minutes après, tout courbaturé. Mon état pitoyable est à plaindre, mes habits ne ressemblent plus à rien et je ne compte pas le nombre de bleues et d'hématomes. Je n'ose même plus regarder d'où viennent toutes les tâches rouges colorants mes vêtements. Boiteux, je rejoins l'embrasure de la porte de la cuisine, où mon père a pris pour cible ma maman. Mais je finis par disparaître dans ma chambre, en pleure.
17 décembre 2003, 8h40 à Osaka.
Allongé dans mon lit, sachant que je vais rater les cours du jour, trop blessé pour être présentable, je ne sais que faire. Normalement un gamin de sept ans, à deux jours de ses huit ans, ne manquerait pas d'idée d'activité… Sauf que je ne suis pas eux… qu'ils ne sont pas moi… Et pourtant, j'aurais tellement préféré être comme eux. Pouvoir courir dans la maison et préparer une grande fête d'anniversaire. Pouvoir demander plein de cadeaux et avoir plein de câlins. Sauf qu'on ne fait jamais mon anniversaire. Ni Noël d'ailleurs. Je n'ai jamais de cadeau et il n'y a jamais de grande fête avec les amis. De toute façon, je n'ai pas d'amis. Ils me trouvent bizarre et mes bleues leurs font croire que je suis un garçon violent. Pourtant, je ne le suis pas, je suis celui qui subit ces fameuses violences, mais je n'ai absolument pas le droit de le dire. Sinon papa sera très très fâché encore. Parce que chez moi, il n'y a pas de câlin, mais juste de la douleur. Alors non, je ne m'amuse pas. Jamais. De toute façon, mon père trouverait que c'est encore une raison pour se défouler encore. En plus, je n'ai pas de jouet, juste un lit, un bureau et des affaires d'écoles.
Pour ne rien arranger, aujourd'hui, j'ai trop mal. Hier, papa était bien énervé et il s'est lâché, malheureusement pour ma mère et moi. Il a facilement passé deux heures à nous prendre pour des sacs de boxes. Résultat : cheville foulé, arcade ouverte, de multiples hématomes, des bleues un peu partout, une trace de strangulation et une plaie au ventre. Je n'ai tout simplement pas la force de me lever ce matin, le corps encore endolori. J'espère seulement que les parents ne soient pas là, pour que je puisse traîner au lit encore quelques heures, pour reposer mes blessures. J'ai vraiment dû faire quelque chose de mal dans une vie antérieure pour vivre dans le pays d'Hadès, surtout qu'un bruit au rez-de-chaussé m'indique clairement qu'ils sont là. Mes meilleurs amis doivent, sans doute, être la poisse et le malheur, un duo de choc pour une vie merdique. Parfois, je rêve d'avoir une autre famille, une autre vie. Plus reposante, bien plus heureuse où je m'épanouisse comme tout autre gamin un tant soit peu normal. Où j'aurais une famille aimante et plein d'amis pour m'amuser avec eux. Seulement, je repense à ma mère et je me dis, que je n'ai pas le droit de penser ça. Pour elle, parce qu'elle ne voulait pas tout ça, qu'elle souffre autant que moi, alors on se soutient. Ô si belle maman, toi aux cheveux ébènes et ses yeux sombres, toi aux traits fins et au doux sourire. C'est un crime de père de te faire tant de mal.
Je sais qu'il va certainement venir me chercher pour faire le ménage, que si je veux éviter tout courroux, je devrais me lever maintenant et les rejoindre. Seulement, quitte à prendre des coups pour n'importe quelle raison, autant se reposer un maximum. Et finalement, je n'avais pas tort, même pas cinq minutes passées, que le père débarque en furie.
« - Lève-toi feignant ! Ne pas aller à l'école ne t'empêche pas de te lever et de venir aider à nettoyer la maison. » J'allais me lever, mais il est plus rapide et me soulève par le col de mon pyjama. C'est ainsi qu'il me trimballe dans la maison, jusqu'à la cuisine que je devais laver, me jetant au sol sans ménagement. Comme s'il allait apprendre la définition de délicatesse un jour de toute façon. Il me met encore une sacré correction que j'encaisse sans broncher, les larmes taris depuis quelques années et les cris sont aussi efficaces qu'un moucheron essayant de pousser un rocher. Une fois qu'il quitte la pièce, je me lève et démarre le ménage. Commençant part laver le comptoir et la table que je finis en une heure.
J'entends que ça s'agite au salon, intrigué, je pose l'éponge dans l'évier, puis d'un pas assez hésitant, manquant plusieurs fois de faire demi-tour, j'arrive à l'entrer de la pièce. Maman et papa se disputent. Ma mère a décidé de ce rebeller, du coup, ça crie, ça hurle, ça bouge vite trop vite. Maman attrape un ciseau traînant sur la table, mais papa est plus fort et la rattrape. Et dans un geste, le ciseau fini planté dans le coeur de maman… choqué. Perdu. Je reste planté là, les yeux fixé sur le corps sans vie de la femme qui m'a donné la vie. Assassiné part Lucifer en personne.
5 Août 2006, 14h00 à Osaka.
Las, assis sur cette chaise sans vraiment vouloir y être. Je soupire restant avachi, ne donnant pas la meilleure image de moi, mais j'en avais vraiment marre. Je suis à l'orphelinat, on me cherche une nouvelle famille d'accueil, m'étant fait virer de celle précédente, au bout d'un mois. Encore. Ça fait déjà trois ans que c'est le même cirque, tous les deux trois mois, je suis renvoyé à la case départ. Bon, au moins, je ne suis plus entre les mains de Lucifer, mais personnellement, je ne suis pas plus heureux maintenant qu'avant. Trimballé de famille en famille, ce n'est pas non plus, le plus grand rêve de toute ma vie. Surtout que je change beaucoup d'école aussi au passage. Après, je ne dis pas que je n'y suis pour rien dans tout cela, bien souvent c'est mon caractère qui débecte. Pourtant, je ne fais rien d'autre que me protéger et de ne pas accepter la situation. Après tout, je n'ai jamais voulu que ma mère quitte ce monde aussi tôt. Qu'elle m'abandonne dans cette misère qu'est la vie. Qu'elle me laisse tout seul me débrouiller. Mais je ne veux pas la remplacer par ces femmes qui croient qu'elles peuvent prendre la place d'un être unique. Et pour les hommes… c'est clair, je ne leur fais pas confiance, il pourrait très bien être comme mon père. Et personnellement, j'ai assez donné de ce côté-là. Ils n'ont pas compris mon deuil et mon appréhension, tout autant qu'ils sont ces hypocrites. Soit je suis trop ça, soit pas assez-ci, soit j'ai une mauvaise influence sur leur gosse. Bref, toujours une excuse pour me renvoyer à d'autre famille.
Bien sûr, ce n'était pas toujours de ma faute, quand même. Soit c'était des mères trop strictes pour moi, alors je trouvais un moyen pour que l'orphelinat me récupère. Soit c'était les pères qui avaient des comportements déplacés. Je m'abstiendrais de plus d'informations sur eux, je n'ai pas vraiment envie de les mettre aux centres de l'attention, ça leurs feraient trop plaisir. Mais en tout cas, ils n'ont fait qu'affirmer mes opinions sur les pères.
C'est donc après une de ses excuses, que j'ai rendez-vous avec une famille aujourd'hui encore. Je n'ai pas vraiment fait d'effort, une simple tenue de sport agrémentée d'une casquette bleue et rouge. Après tout, ce n'est pas comme si j'avais vraiment envie de les rejoindre. Mâchant un chewing-gum, seule activité qui déforme les traits de mon visage encore un peu trop enfantin, à contrario de mon caractère de plus en plus détaché et froid, qui me fait passer pour légèrement plus vieux. En plus, ils sont en retard. Super la nouvelle famille, ils ont l'air pressés de me rencontrer. Pour ne pas arranger les choses, je ne suis pas du style patient, alors je n'aime pas attendre. Ce que je suis quand même obligé de faire en ce moment.
C'est bien avec dix minutes de retard, qu'ils pénètrent enfin dans le bureau étroit pour tant de monde. Puisque les parents ont jugés bon de ramener deux jumeaux avec eux, alors qu'il y a déjà deux autres personnes avec moi pour encadrer l'entretien. Très pratique, vraiment ces adultes sont idiots. Ils s'excusent d'avoir été retenue dans les embouteillages. Si vous voulez, mais entre nous, je n'ai que faire de leur excuse pré-mâché. Ils saluent les animateurs avant de se tourner vers moi, le sourire gaga, alors que j'ai passé l'âge d'être regardé ainsi et surtout d'y prendre part. C'est la femme qui prend la parole.
« - Bonjour jeune homme, nous sommes la famille Itsuda, je suis Shiemi, voici mon mari Matsuda et les jumeaux, Toki et Yomi. Nous sommes enchantés de faire ta connaissance. Tu as l'air adorable dit donc.
- Seulement l'air alors. Je sais que vous avez eu mon dossier pas la peine de faire genre. »Elle a l'air vexé, peiné ou que sais-je, mais ça fait bien longtemps que par moment, je m'en fiche d'être blessant. La vie ne m'a pas fait de cadeaux, alors je ne vois pas pourquoi j'en ferais de mon côté. Surtout, qu'ils ont déjà deux enfants, je ne vois pas ce qui les pousse à me vouloir dans leur famille. Ils finissent par s'asseoir avant de discuter avec les encadreurs, plus qu'avec moi qui montre de plus en plus mon impatience de finir ce rendez-vous et d'aller manger.
À la fin de l'entretien, je suis prié d'aller faire mes affaires. Aller, c'est reparti pour un tour de manège.
28 décembre 2008, 19h00 à Osaka.
Ça y est, je me suis barré de cette orphelinat incapable de trouver une famille d'accueil qui dure plus de quatre mois d'affilés. J'ai pris toutes mes affaires dans un grand sac-à-dos, je me suis habillé chaudement, car dehors, il neigeait. L'hiver bien installé, il ne faut pas que je tombe malade dès le premier soir, ça serait complètement stupide de ma part. Dans ma grosse doudoune, je me faufile à l'extérieur du bâtiment par une brèche trouvée quelques semaines plus tôt. Je me suis quand même permis de piquer un peu d'argent dans la caisse, histoire de ne pas être sans le sous et pouvoir me nourrir, mais surtout, pouvoir m'acheter à boire. Il fait déjà nuit dans les rues, mais je me sens libre ! Enfin, je ne suis plus un pion de se maudit orphelinat. Je peux faire ce que j'ai envie, sans bouger de famille en famille. Je vais à mon bon vouloir. Et ça fait du bien. Pour la première fois de ma vie, je n'ai plus l'impression d'avoir des chaînes aux poignets qui m'entravent. Je suis à la rue, seul, en plein milieu du manteau blanc de l'hiver, sous les flocons qui lentement descendent du ciel, comme pour m'accueillir dans ce renouveau. Impatient de découvrir le monde autour de moi, à mon rythme, à mon envie, sans suivre quelqu'un. Je marche, trottinant par moments, laissant le vent se glisser dans mes cheveux, le froid mordre mes joues et la neige fondre sur ma peau.
Ce n'est pas tout, mais je dois, quand même, trouver un endroit où dormir correctement ce soir. Et à cette heure, les rues plongées dans le noir de la nuit, il est bien difficile de trouver un endroit qui m'abritera de la température qui continue de chuter. Je ne souhaite guère mourir d'hypothermie pendant mon sommeil. Après tout, ça serait vraiment la poisse de crever juste quand je suis enfin libre. Au moins, attendre quelques jours, ça serait sympa.
J'ai trouvé une rue commerçante couverte pour passer la nuit, après quatre heures à dévaler les rues d'Osaka. En espérant ne pas me faire virer par les flics, je suis trop fatigué pour vouloir encore faire le tour de la ville. J'ai les jambes en miette, alors je me laisse tomber sur un banc sans délicatesse. Je me tourne et regarde l'heure sur l'horloge de la boulangerie derrière moi. Vingt-trois heures. Bon, il est tant de dormir. Il fait un peu froid, mais c'est supportable. Je pose mon sac en bout de banc, il fait office de coussin pour la nuit et m'allonge. Je m'endors bien rapidement.
Le lendemain, ce sont des secousses qui me réveillent. Baillant, je finis par ouvrir les yeux, levant les mirettes vers la source de mon réveille. Je me redresse en vitesse, attrapant mon sac au passage et recule rapidement. Évidemment dans la précipitation, je me casse la figure au bout du banc, me retrouvant fesse contre terre. Formidable. En plus, le gars se fout bien de moi. Fort minable. Je roule des yeux et l'observe. Il fait quand même assez peur, il est imposant. On ne peut que remarquer sa présence. Il doit avoir la trentaine, voir presque quarante. Il a beaucoup de tatouage. Et sa tête, bien que souriant, impose le respect. Rien que par la grande cicatrice barrant son visage de part et d'autre. En fait, il me fait un peu peur. Et puis, que me veut-il ? Il n'a pas l'air d'être un flic, alors pourquoi m'a-t-il réveillé ? Il s'approche, mais je recule à mon tour. Comprenant que je ne me laisserai pas approché, il s'agenouille devant moi et me tends un sac en souriant.
« - N'ait pas peur, je ne te veux pas de mal, tu as l'air jeune pour être à la rue… Je t'apporte de quoi manger et boire. Je suis le patron de la boulangerie derrière toi, je t'ai vu en arrivant pour faire le tour de la boutique. »Il essaye d'approcher son bras, mais j'ai un mouvement de recule. Je l'observe pendant un instant, il patiente le bras tendu dans ma direction. Lentement, j'attrape le sachet, avant de détaler comme un lapin, pas vraiment d'attaque à me faire choper, au cas où il viendrait de la part de l'orphelinat.
10 Juillet 2009, 10h20 à Osaka.
Je dors dans la réserve de la boulangerie. Celle de cet homme. Depuis ce fameux soir, nos routes n'ont fait que se croiser. Au début, il ne faisait que me donner à manger du bout des bras, comme la première fois. J'étais méfiant sur ses motivations à m'aider. Après tout, je n'étais qu'un sans abris comme les autres, peut-être plus jeune, mais je ne me démarquais pas des autres, surtout que c'était ma première nuit dehors, je n'étais pas le plus à plaindre. Seulement, c'est moi qu'il l'a choisi d'aider. Et petit à petit, je suis allé vers lui de moi-même. Après tout, il n'a jamais montré la moindre hostilité et il n'avait pas l'air de vouloir me faire le moindre mal. Et il ne m'a pas dénoncé à l'orphelinat non plus, alors, je me sentais un peu plus en confiance avec lui. Je ne quémande pas, loin de là. J'avais seulement investie le banc devant son magasin. J'y restais surtout la nuit et les premières heures de la journée, avant de partir gambader dans la ville, au début, pour faire un peu de sport, puis peu à peu, c'était plus pour éviter de faire peur à ces clients. Parce que ce n'était pas très vendeur d'avoir un SDF devant sa boutique, même s'il ne devait s'en rendre compte que lorsque de ses inspections habituelle. Après tout, il avait la gentillesse de me nourrir, alors, je pouvais bien passer mes journées ailleurs. Certain sans abri en profitaient pour essayer de subtiliser mon banc, mais je sais défendre mon territoire, quitte à utiliser mes points. Parce que c'est MON banc, ce banc qui est MON lit, MA table, MA chaise, MON bureau, MON canapé… bref, il fait tout le pauvre, mais c'est mon lieu de vie maintenant. Et je n'ai pas envie de le laisser à quelqu'un d'autre. Puis petit à petit, on venait moins me chercher des noises. Au final, un soir, j'ai compris pourquoi. J'étais arrivé plus tôt que d'habitude, parce que j'étais fatigué et qu'il faisait trop chaud pour continuer à gambader. Et c'est là que j'ai vu le fameux patron de boulangerie chasser un SDF qui s'était installé sur mon lieu de vie. Et personnellement, ça me va parfaitement. Je l'ai remercié bien sûr, je reste reconnaissant envers cet homme qui rend ma vie un peu plus facile.
Puis peu à peu, il m'a proposé de dormir dans la réserve de la boulangerie. Je suis abrité, au chaud et surtout, je n'ai pas à bouger tous les jours. Au début, il me laissait que quelques jours par-ci par là, puis c'est devenu régulier. Comme une maison. Bon, ça sent la farine et le pain tout le temps, mais ce n'est pas bien dérangeant quand on sait qu'il aurait pu me laisser dehors, sur ce banc à subir les aléas du temps, entre les odeurs d'urine d'animaux en tout genre et les excréments de toutou diva de leur propriétaire plus riche que nécessaire. Alors, je suis plus apte à supporter ces farines qui me font éternuer.
Cet homme, il s'appelle Miuzuki Akio. Et bien que l'on soit encore au prémisse de notre relation de confiance, il reste des doutes, des peurs, des secrets cachés, une méfiance pas totalement disparu et des fuites, encore. Pourtant, j'ai un grand respect pour cet homme sage et bienveillant qui a l'air d'avoir vécu beaucoup de choses dans son passé. Et il me respecte tout autant, ce que je n'ai pas eu depuis que je suis né. Considéré comme un moins que rien, les gens ne prenaient pas le temps de respecter un gamin comme moi. Pourtant, bien que je sois beaucoup plus jeune que lui, il témoigne du même respect que j'ai pour lui.
Je suis réveillé par lui, ce matin. Il ne fait que me secouer doucement, comme il l'avait fait à notre première rencontre. Quand j'ouvre les yeux, il se recule et me laisse me réveiller. Je baille et m'étire avant de me redresser en rajustant mes habits et mes cheveux, pour être un minimum présentable. Puis il me tend un sac plastic remplie de sac de farine. Je le prends.
« - Est-ce que tu peux amener ça à l'adresse indiquée sur l'enveloppe qu'il y a dedans. Surtout, ne te le fais pas voler et évites les flics.
- Bien sûr Aoki-sama. »De temps en temps, comme aujourd'hui, je l'aide dans ses commandes ou à la boulangerie quand il me le demande lors de ses visites. Au début, c'était des trucs simples, mais il m'a appris à faire du pain et à gérer la boutique pour aider la personne qui gérait la boulangerie. C'est la moindre des choses que je peux faire, après tout ce qu'il fait pour moi. Même si, à part avec lui, je n'aime pas les gens et ils me le rendent bien. Après tout, je suis assez détaché, froid et impatient, un peu impulsif aussi. Je regarde l'adresse du lieu, après des mois à arpenter les rues, je connais quasiment les rues par cœur, je devrais trouver l'endroit assez aisément. Je m'incline devant lui avant de sortir poster la livraison.
18 Février 2010, 15h30 à Osaka.
Les choses ont bien changé en quelques mois. J'ai parfois du mal à suivre moi-même, mais je m'y fais et la situation me convient bien. Dans les premiers mois, j'effectuais de plus en plus de livraison pour des hommes qui n'avaient pas vraiment l'air d'avoir besoin de farine ou de pain. Enfin, ça paraissait bizarre. Mais bon, après tout, ça ne me regardait pas. Je fais juste livraison. Évidemment, à force, je connaissais plein de raccourcis, de passage dans la ville, donc je faisais de plus en plus vite, quand on fait ça tous les jours, les habitudes se prennent et on va inconsciemment plus vite. Sauf qu'un jour un flic m'a eu, je sais plus comment, si faut quelqu'un qui m'a trouvé chelou et qui m'a dénoncé. En tout cas, on m'a arrêté pour trafic de drogue. Autant vous dire que j'étais complètement perdu. Je n'ai rien dit sur la provenance du paquet, ni sur la destination. Évidemment, j'avais compris que je transportais de la drogue à chaque fois et qu'Akio était un dealer. Il était hors de question que je balance celui qui m'a accueilli, ni les gens qui lui font son bisness. En plus, Il m'apprend beaucoup de choses. Il m'apprend à être plus calme, plus patient et moins dissipé. Il m'apprend à gérer une boutique et grâce aux livraisons, j'apprends à connaître la ville. Je suis beaucoup mieux avec cet homme que mes treize premières années de vie.
J'ai passé la nuit en garde à vue, avant que M. Miuzuki vienne me chercher au commissariat. Un peu honteux, je l'avais rejoint la tête basse. Pourtant, il souriait encore, m'avait ébouriffé les cheveux et après quelques blablas avec le commissaire, nous sommes sortis du bâtiment. J'avais bien peur qu'une fois dehors, il m'engueule pour de bon. Après tout, je m'étais fait choppé et avais mis en danger ses affaires.
« - Ne t'inquiète pas, ton casier restera vierge et tu ne seras pas inquiété par la police. Merci de n'avoir rien dit. » Après ça, on est rentré et il a dit vrai. Comme si de rien était. Et ça me va parfaitement. Il ne m'a pas viré et a continué de m'enseigner ce qu'il savait, à me faire livrer de la drogue à ses clients. J'ai continué à dormir dans la réserve. Même de plus en plus souvent chez lui dans la chambre d'ami. J'ai vraiment de la chance d'être tombé sur lui. Puis, il m'a adopté. Il m'a dit ça, en novembre 2009, un beau matin, alors que je ne m'y attendais pas. Il avait sorti les papiers que j'avais signés et quelques jours plus tard j'étais son fils. Miuzuki Yukio. Il m'explique aussi qu'il était un Yakuza et qu'il m'avait testé tous ces mois pour pouvoir être un Yakuza à mon tour. Je n'ai pas refusé. J'ai accepté de bons cœurs. Ce n'est pas comme si j'aimais la société pour faire quelque chose pour elle, autant être dans l'illégalité et être utile à la seule personne qui m'a aidé dans la vie.
C'est comme ça que je suis rentré dans la famille Miuzuki et chez les Yakuza. En plus, il fait partie des gens assez influent dans le clan. J'ai quand même continué à faire mes preuves pendant un mois avant qu'Akio me propose de me former dans une spécialité. Il me propose de devenir assassin pour le clan. J'ai dit oui. Allez savoir pourquoi, mais au final c'était plutôt pas mal pour un gars solitaire comme moi, qui n'aime pas vraiment les gens.
Du coup, en ce moment, je suis au stand de tir pour apprendre à viser. Alors, casque sur les oreilles et les lunettes sur les yeux, je vise les cibles sous les conseils du professeur qu'Aiko a engagé pour me former. Un des meilleurs, selon lui. Alors, je m'applique pour ne pas décevoir et pour aller sur le terrain dans un minimum de temps. Je ne veux pas être un poids non plus. Alors, j'essaye d'apprendre vite.
Armer. Viser. Tirer. 25 décembre 2014, 20h00 à Osaka.
19 ans, bien grandi, bien endurcie. Quatre ans à bosser sans relâche, à apprendre sur les armes, à feu ou blanche, sur les différents poisons, ou de tuer quelqu'un, selon le point faible de cette personne, sur les façons d'agir, à faire du sport pour être plus agile, plus rapide, plus discret tel un chat. À s'endurcir encore, à mettre ses sentiments de côté, à oublier la morale et les principes de base sur ce que je dois faire, ou non, selon la société. Prêt à en découdre avec les gens qui méritent de mourir, selon mes supérieures. J'ai fini ma formation il y a quelques semaines et je me sens prêt à me jeter dans le grand bain du clan. D'être actif et d'aider les Yakuza dans le contrôle de leur territoire. N'importe quelle mission on me donnera, je les réussirais tous. Parole de Yukio. Parce que sinon, je serais indigne de mon poste. J'ai la chance d'avoir des muscles, mais de rester fin et léger, c'est mieux pour rester agile et de ne pas se faire repérer. J'ai appris à être calme, patient. Avec le temps, j'ai eu un sang-froid naturel qui me permet de cacher mes sentiments au fond de moi. Même si je ne vais plus vivre tout le temps avec Akio, je suis prêt à travailler.
Je commence tout juste aujourd'hui avec ma nouvelle mission. J'appréhende un peu, stressé, plus par la peur de ne pas réussir qu'autre chose. Je veux prouver, que c'est quatre années passées, n'ont pas servies à rien. Que mon père soit fier d'avoir placé ses espoirs en moi. Qu'il a bien fait de me sortir de mon pétrin cette année-là, qu'il a eu raison de me trouver un meilleur endroit que ce vieux banc inconfortable. Qu'il a misé sur le bon cheval. Marchant dans la rue, comme un honnête citoyen que je ne suis pas, à suivre le premier type que je dois suivre pour prouver que je suis au point et opérationnelle. Je comprends que je dois être testé encore, après tout, les nouveaux ne sont pas tous fiables. Moi-même je ne fais pas confiance aux gens, du moins c'est très difficile. Méfiant de nature, les années n'ont pas arrangé les choses malheureusement. Parce qu'après tout ce que j'ai vécu, je tiens quand même à ma vie et tant qu'à faire, éviter que des gens viennent gâcher le reste de mon existence.
Suivant ma proie, je l'observe attentivement, à attendre une faille, une faiblesse, une opportunité. Ça peut être long, je le sais. Autrefois, j'aurais précipité les choses, sans doutes. Mais on m'a appris la patiente. Même si je l'avoue, j'aimerais trouver rapidement quand même. Mais ce n'est que le premier jour, alors je ne fais que marcher, les mains dans les poches, comme un adolescent normal. Heureusement, je me suis garé à côté. Oui, j'ai passé le permis il y a six mois, du coup je me balade en Toyota, une assez banale pour rester discret, parce qu'une qui sort du lot serait trop facile à repérer. Du coup, je le suis aussi en voiture, restant à bonne distance. Je trouverais son point faible.
Le soir arrive et toujours rien, ce mec est surveillé de partout et il paraît intouchable. Mais je ne me démonte pas. Je continue de l'observer. Quitte à y passer la nuit. Mais le ciel est clément avec moi, enfin je ne crois pas à ça, mais on s'en fout, en tout cas, il m'offre la réponse sur un plateau. Un cycliste passe trop près de lui, lui faisant peur. C'est là, qu'il sort sa ventoline. Je t'ai eue.
1 janvier 2017, 00h00 à Osaka, le journal de Yukio.
Dealer non payant : mort par asthme par non prise de ventoline le 30/12/2014Flic sur une piste : déclaré mort par 'suicide' le 28/02/2015. note : un homme ne devrait jamais être infidèle, s'il ne veut pas se faire manipuler.
Patron d'un bar qui menaçait de dire ce qu'il savait : mort par empoisonnement le 03/05/2015. note : on ne se méfies pas assez de verres préparés de ses propres mains.
PDG qui en sait trop et qui en use : chute d'escalade pendant ses vacances le 15/08/2015. notes : les liens ne sont pas toujours de qualité, c'est le risque à prendre.
Jeune traite Yakuza fortuné : à 'malencontreusement' reçu un pot de fleur tombé du 5eme étage le 20/09/2015. note : une formalité de se rendre au 5eme étages et de faire tomber le pot au bon moment.
Flic un peu trop impliqué : mort par overdose le 15/12/2015. notes : remplacer ses médocs par de la drogue, puis récupérer la plaquette et remettre l'ancienne.
Voleur d'armement chez les yakuza bien placé dans la ville : mort d'un coma éthylique le 14/02/2016 notes : ne pas jouer avec un Yukio déguisé en femme fatal… ma pire honte…
Une policière trop entreprenante qui a trop su trouver des infos : morte par balle le 20/04/2016. note : provoqué une fusillade sans être impliquée et être dissimulé.
Une fille de PDG qui a menacé un Yakuza influent : mort pas asphyxie le 30/07/2016 note : être radin ça coûte un mauvais réseau de gaz.
Un patron empêchant l'expansion des Yakuza : mort par décapitation, le 02/10/2016. Note : les entraînements de polo sont parfois décisifs. Surtout avec un joli fil transparent entre les poteaux.
Note : ne pas tout marquer ici pour ne pas laisser trop de preuves. Et puis les autres sont moins croustillant.
Biographie by Le chat.